Paysans de « plein champ ».
(Abbé Jean Casanave)
Les moines pratiquent le « plain-chant », les agriculteurs de mon canton aussi, à deux consonnes et une voyelle près. Baptiste, soixante ans, agriculteur, célibataire a été victime d’un AVC. Au dire de tous, l’homme n’était qu’accueil, disponibilité, jovialité. La foule recueillie s’est pressée à ses obsèques.
Ce n’était guère la rentabilité de sa ferme qui le motivait, mais la passion du métier, de la terre et des bêtes. Sa mort est le symbole cruel d’une agriculture française qui souffre mais qui s’accroche. Certains prédisent la disparition de ces paysans anachroniques qui ne vivent pas encore sous serre, qui n’exploitent pas une usine à veaux et qui respectent le rythme des saisons. Si d’aventure cette agriculture-là disparaissait, ce n’est pas seulement une culture parmi d’autres qui viendrait à manquer mais la racine centrale qui maintient l’Humanité debout. Dans l’Humanité il y a l’humus. Ces agriculteurs n’ont pas pour seule vocation, aussi noble soit-elle, de nourrir leurs frères. Ils sont les garants et les gardiens de la nature même de l’Humanité. Il ne manque pas de théories pour affirmer que l’homme est un animal comme les autres et le mode de vie de certains tend à le confirmer. « Un homme, disent-elles, ça naît, ça travaille pour manger, ça se reproduit, ça meurt. Point ! » Aujourd’hui, d’autres prétendent le contraire : l’homme bientôt sera capable de se rendre immortel, de se faire Dieu. Les deux affirmations aboutissent au même résultat : le refus de l’Humanité en tant que telle.
Le Christianisme maintient que l’homme est à la fois fils de la terre et fils de Dieu. En venant restaurer en nous l’image de Dieu altérée par nos divagations, le Christ lui a rendu la ressemblance au Père. Mais cela, Il l’a accompli sans nous affranchir de notre condition mortelle et terrestre. Lui-même, tout Fils de Dieu qu’Il était, ne s’est pas soustrait à la mort. Au contraire, Il a fait de celle-ci une naissance.
En refusant de laisser périr cette alliance essentielle entre la terre et l’Humanité, les paysans de « plein-champ » font œuvre de salut et méritent notre reconnaissance. Leur seule existence nous dit ce qu’est l’homme et ce qu’il doit être.
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