24/12/2013




JOYEUSES ET SAINTES FÊTES DE NOËL!



Mort et naissance à Noël. (Abbé Jean Casanave)

« J’ai du mal avec Noël, trop de deuils m’ont frappée dans cette période » me disent Christine et Anne. Deux jeunes enfants de mon canton passeront Noël sans leur papa et deux autres, bien près de moi, sans leur maman. Des dizaines de petits Centrafricains passeront un Noël d’orphelins… La mort, autrement dit le passage en l’autre Vie, n’est pas étrangère à la naissance….

 Dans un effort de lucidité, ma raison peut admettre la mort, la mort en général. Les scientifiques diront qu’elle est  la condition de la vie. Mais cette même raison s’insurge  devant l’absurdité de la mort en particulier ; celle qui a pris un nom, celui d’un époux , d’une mère, d’un grand père. Qu’elle survienne à vingt ans ou à quatre vingt dix ans, nous avons le sentiment qu’elle nous vole quelque chose que l’on pouvait encore espérer, ne serait-ce que ces derniers mots que nous aurions encore voulu prononcer. Nous cognons sur le mur de l’absurde où il est écrit: 

« Pourquoi la vie, si c’est pour mourir »! Et plus largement encore :
 « Pourquoi de l’être pour ne pas être ! »

Le langage courant traduit bien ces deux attitudes devant la mort. 
« C’est la vie » dit-on parfois pour en souligner la fatalité et presque la banalité; mais « plus rien ne sera comme avant », quand on en retient la perte irrémédiable qu’elle provoque.

Pour bien prendre la mesure du non sens que la mort oppose à toute entreprise humaine, il faut évacuer de notre esprit toutes ces banalités que nous échangeons en pareilles circonstances. Elles se veulent consolatrices, elles ne font que combler  le vide qui  nous apeure. Certains d’entre nous, plus courageusement, vont jusqu’à éliminer également toutes ces compensations imaginaires qui nous font rêver une après-vie. Ils se concentrent sur un seul impératif: donner un sens à la vie présente . Mais quel sens peut-elle avoir si le néant l’attend au coin du bois.
Il n’est pas étonnant, alors qu’une majorité de nos contemporains, et nous en faisons parfois partie, fermant délibérément les yeux sur l’avant et sur l’après, se réfugie dans la bulle de l’instant et n’observe qu’un seul commandement :
 « profite du moment présent ». Un peu comme si les résultats obtenus par le génie de l’humanité, comme si le gigantesque effort des hommes et la somme de toutes les leurs souffrances accumulées, en étaient réduits à la jouissance de la cigarette du condamné. Ainsi mise à nue, la radicalité de la mort donnerait raison à l’auteur du livre de l’Ecclésiaste, qui ne cesse de répéter: 
« De tout ce que j’ai vu sous le soleil, rien ne vaut la peine car tout est vain ». Malgré ce sombre diagnostic, l’homme, depuis son origine, refuse l’évidence du verdict.

 Pour vaincre la précarité de son existence, il s’est donné des dieux censés lui apporter l’immortalité. Un spécialiste des religions a pu affirmer que l’homme était une machine à faire des dieux. Le sommet de cette entreprise a certainement été atteint dans l’Egypte ancienne.
Ces jours ci, à Pau , Akhenaton, Ramsès II, Toutankhamon  et leurs sublimes épouses nous ont rendu visite par le truchement de splendides copies réalisées par le musée du Caire. Nous avons pu voir ce que l’humanité a inventé de mieux pour dire non à la mort, pour proclamer à la face de l’univers que l’homme n’était vraiment lui-même, que lorsqu’il mettait en œuvre cette idée d’infini, totalement incongrue, dont on ne sait d’où elle vient, qu’il porte en lui, alors que tout en lui et autour de lui est fini, limité, périssable. Et si l’homme était plus que l’homme, semblaient nous dire ces colosses de pierre, ces sarcophages dorés, ces visages immobilisés dans une beauté codifiée et à tout jamais immortalisés !

Sortant de l’exposition, je me demandais : 
«  Pourquoi le Dieu en qui j’ai mis ma foi n’a-t-il pas profité de ce moment inégalé de l’histoire pour s’incarner dans une de ces dynasties ? Le monde aurait été déjà à ses pieds ! Des preuves irréfutables de son existence et de son œuvre auraient survécu pendant 3000 ans et plus encore ! Mais pourquoi, aussi, ces dieux à l’image de l’homme me ressemblaient si peu ? »

 C’est à côté, dans un peuple marginal que notre Dieu a vu le jour. Il a pris le visage d’un petit enfant, celui d’un homme qui passait, faisant le bien, il pris le masque du souffrant, il a poussé le râle du mourant. Rien à voir avec l’impassibilité des géants figés dans leur puissance. Comparé aux divinités fabriquées par nos intelligences, notre Dieu ne fait pas très  dieu. Une mangeoire en guise de trône, un bâton de pèlerin lui sert de sceptre, il touche le lépreux, une croix souillée de sang à la place d’un sarcophage, un tombeau d’emprunt au lieu d’un mausolée.

Pourtant ce Dieu là n’est pas la caricature de l’homme. Il me ressemble. A relire son histoire dans l’Evangile, je vois que Jésus mon Seigneur a pris les mêmes chemins que les miens, s’est posé les mêmes questions que moi, a voulu soulager misère et  maladie, nous a laissé un programme d’une vie autre. Malgré cela, la mort l’a suspendu au gibet. Que reste-t-il de lui ? Rien.

Rien ! Si ce n’est cette source inépuisable et divine de Vie et d’Amour qui nous transcende et qui fait que nous sommes là, pour offrir la gerbe de ces sommets et de ces creux qui ont fait cette vie. Nous sommes là, soutenant une maman meurtrie, consolant des enfants un peu perdus. Nous sommes là, non pour jeter un défi orgueilleux à la mort mais pour la plonger dans le bain d’Amour de Celui qui l’a vécue et vaincue pour en faire une nouvelle naissance.

Alors, en nous dégageant de nos idoles confortables et familières qui nous proposent une immortalité de pacotille, allons vers Noël, allons cueillir chez le pauvre de Bethléem, l’Amour qui, seul, peut faire fleurir les branches mortes de nos vies.

Heureux et beau Noël pour nos naissances à mourir et dans nos morts à naître…

21/12/2013


NOEL 2013
Message de Mgr AILLET

Pour écouter le message cliquez ICI

La nais­sance de Jé­sus a bou­le­ver­sé l’his­toire des hom­mes en lui don­nant son sens ul­time et son orien­ta­tion dé­fi­ni­tive : Dieu est en­tré dans no­tre vie pour que nous échap­pions à l’en­fer­me­ment du Cos­mos et du pé­ché et en­trions dans sa vie qui est éter­nelle !
Si cet évé­ne­ment nous ou­vre un ave­nir d’es­pé­rance, au-delà de la mort, il jette tou­te­fois une vive lu­mière sur no­tre vie pré­sente, jus­que dans ses im­pli­ca­tions so­cia­les. Par sa Na­ti­vi­té dans la pau­vre­té et l’hu­mi­li­té, Jé­sus donne aux plus pe­tits et aux plus fra­gi­les la pre­mière place dans la so­cié­té des hom­mes et il nous re­com­mande d’en pren­dre soin. Dans le nou­veau-né de la crè­che, blot­ti dans les bras de Ma­rie sa mère et sous le re­gard at­ten­dri du juste Jo­seph, cha­cun peut en­ten­dre Dieu lui chu­cho­ter à l’oreille : « Tu es pré­cieux à mes yeux et je t’aime » (Is 43, 4).
Noël, c’est une lu­mière qui se lève sur un monde do­mi­né par la « cul­ture du dé­chet » (Pape Fran­çois), où les plus fai­bles, de­puis la con­cep­tion jus­qu’à la mort na­tu­relle, en pas­sant par tous les sta­des du dé­ve­lop­pe­ment, sont con­ti­nuel­le­ment sa­cri­fiés aux in­té­rêts égoïs­tes des puis­sants. Je pense aux chré­tiens du Moyen Orient, en par­ti­cu­lier aux en­fants de Sy­rie ou à la si­tua­tion des chré­tiens de Cen­tra­fri­que (1) qui vi­vront ce Noël dans la ter­reur et l’an­goisse. En con­tem­plant l’En­fant Jé­sus de Bethlé­em, nous som­mes ap­pe­lés à con­ver­tir no­tre re­gard et à nous en­ga­ger con­crè­te­ment en fa­veur des plus pau­vres, ceux qui sont re­je­tés ou lais­sés sur le bord de la route.
Les pro­chai­nes échéan­ces élec­to­ra­les – mu­ni­ci­pa­les et eu­ro­péen­nes – nous don­ne­ront ain­si l’oc­ca­sion de par­ti­ci­per de ma­nière res­pon­sa­ble à la pro­mo­tion du Bien com­mun qui peut seul ga­ran­tir la di­gni­té de toute per­sonne hu­maine sans ex­cep­tion, à com­men­cer par les plus pe­tits. Si l’on doit sa­luer le dé­voue­ment et l’ab­né­ga­tion de nom­breux élus de proxi­mi­té, en par­ti­cu­lier dans les zo­nes ru­ra­les, nous ne se­rons pas moins at­ten­tifs à sou­te­nir des can­di­dats clair­voyants sur les grands dé­fis so­cié­taux de l’heure et pour les­quels la mo­bi­li­sa­tion des ci­toyens a con­nu, ces der­niers mois en France, une am­pleur sans pré­cé­dent. Qu’on pense à l’ini­tia­tive ci­toyenne eu­ro­péenne,«Un de nous », pour pro­té­ger l’em­bryon (2) ; ou bien à la « Ma­nif pour tous » pour pro­mou­voir le ma­riage et la fa­mille et dé­fen­dre les droits de l’en­fant, sans con­dam­ner qui­con­que ; ou en­core la ré­volte fis­cale em­blé­ma­ti­que des « bon­nets rou­ges » pour dé­fen­dre l’em­ploi et les pe­ti­tes et moyen­nes en­tre­pri­ses étran­glées par une po­li­ti­que éco­no­mi­que qui fait de la fis­ca­li­té son arme prin­ci­pale et dont les in­té­rêts dé­pas­sent lar­ge­ment nos fron­tiè­res ré­gio­na­les et na­tio­nale. Au­tant d’il­lus­tra­tions de ce sur­saut des con­scien­ces qui a son­né le ré­veil de la France réelle ou de la so­cié­té ci­vile face aux vi­sées d’un mi­cro­cosme po­li­ti­co-mé­dia­ti­que ex­po­sé à la ten­ta­tion de l’in­té­rêt et du pou­voir.
L’iti­né­raire de l’Etoile de Noël à tra­vers la ville de Bayonne, du 1er au 31 dé­cem­bre, s’achè­ve­ra op­por­tu­né­ment dans no­tre ca­thé­drale. C’est là que ce sym­bole trou­ve­ra tout son sens. Ja­dis elle avait gui­dé des Ma­ges ve­nus d’Orient jus­qu’à la crè­che de Bethlé­em. Con­tre toute at­tente, quand ils vi­rent l’en­fant avec Ma­rie sa Mère, ces « Rois » qui étaient puis­sants par le sa­voir, le pou­voir et la ri­chesse, se pros­ter­nè­rent de­vant lui et l’ado­rè­rent (cf. Lc 2, 10). Ils se dé­tour­nè­rent dé­fi­ni­ti­ve­ment de la pré­ten­tion à chan­ger le monde par leurs pro­pres for­ces et ils se mi­rent hum­ble­ment au ser­vice de la seule Ré­vo­lu­tion ja­mais ca­pa­ble de sau­ver les hom­mes, celle que le Christ ac­com­plit par sa mort et sa ré­sur­rec­tion, en vue de bâ­tir la ci­vi­li­sa­tion de la paix et de l’amour.

Joyeux Noël à tous !
Bonne et sainte an­née 2014
+ Marc AILLET,
Évê­que de Bayonne, Les­car et Oloron.


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     La Trinité d'Oloron 
- Oloron Sainte Marie


Célébration pénitentielle avec absolution individuelle
Lundi 23 décembre 15h Sainte Marie - 19h à Notre Dame.
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Tous les jours à 9h00 - Messe au Car­mel.
Lun­di 23 décembre   18h30 Messe à Sainte-Ma­rie.


- Nativité du Seigneur -

Mar­di 24 dé­cem­bre :
     - 17h Sainte-Croix Veillée-messe de Noël en béar­nais
     -19h30 No­tre-Dame Veillée-messe de Noël ani­mée par les en­fants du ca­té­chisme.
     -22h30 Sainte-Marie  Veillée-messe de la Nuit

Mer­cre­di 25 dé­cem­bre :
     -9h Messe au Car­mel
     -10h30 Messe à Sainte-Ma­rie
-18h Vê­pres en fran­çais, sui­vies de la messe à 18h30 à Ste-Croix.

Jeudi 26 dé­cem­bre   18h Prière à Saint-Pée.
                                       18h30 Messe à Soeix.

Ven­dre­di 27 dé­cem­bre 18h30 Prière de louange Ste-Ma­rie.



- Sainte Famille -
Sa­me­di 28 dé­cem­bre     15h Messe à l'hôpital
                                                 18h30 Messe à Notre-Dame.

Dimanche 29 décembre            9h Messe au Carmel
                                                        10h30 Messe à Sainte-Marie
                                                       18h30 Messe à Sainte-Croix.

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  -Saint Jacques du Piémont - Gur­men­çon


Sacrement du pardon
Lundi 23 décembre 10h à 11h à Géronce
Mardi 24 décembre 10h à 11h à Gur­men­çon



-Na­ti­vi­té du Seigneur -

Mar­di 24 dé­cem­bre :
        19h Gur­men­çon Veillée messe de la nuit de Noël (Jean Rous­seu)

Mer­cre­di 25 dé­cem­bre :
         10h30 Gé­ronce Messe de Noël (I.P. de­man­dée, Famille Bel­locq-Capdepon)

Jeu­di 26 dé­cem­bre   9h Messe à Eysus (I.P.)


- Sainte Famille -
Samedi 28 dé­cem­bre          17h30 Messe à Orin (Famille Nazom)
            
Dimanche 29 dé­cem­bre
         10h30 Messe à Gurmençon (André Idiart).

07/12/2013



CONFERENCE DE MGR HOUSSET
Évêque de La Rochelle et Saintes
Président du Conseil pour la Solidarité de la Conférence des évêques de France

DIACONIA – FRATERNITE
PAU et ABBAYE DE BELLOC – 29 - 30 novembre 2013

EXTRAITS

"Comment définir la diaconie ? C’est servir les autres comme le Christ les sert. Ou bien, c’est essayer d’avoir avec ses frères et ses sœurs la même relation que le Christ...


        I.  COMMENT SERVIR LA FRATERNITE DANS LA CHARITE DU CHRIST ?

1. L’Eglise est appelée à être fraternelle, à devenir une Eglise de frères et de sœurs.

Dans son premier livre paru en 1962 et réédité par le CERF lorsqu’il est devenu pape en 2005, qui s’intitule « Frères dans le Christ », le jeune théologien Joseph Ratzinger écrit : « Reconnaitre qu’Eglise et fraternité sont équivalents, que l’Eglise qui s’accomplit dans la célébration cultuelle, l’Eucharistie, est essentiellement une communauté fraternelle, c’est exiger que l’Eucharistie soit célébrée, même concrètement, comme un culte fraternel... L’Eucharistie doit redevenir visiblement le sacrement fraternel pour que puisse se déployer toute sa force d’édification communautaire ». Nous n’en sommes pas encore là. Et quand il dit « doit redevenir », il montre une belle direction. Bien sûr, des efforts sont accomplis. Par exemple, lors d’une messe, on propose aux fidèles de commencer par se saluer, d’échanger quelques mots, de s’intéresser à leur voisin avant que le célébrant fasse la salutation liturgique. C’est sans doute plus facile dans les paroisses rurales que dans les grandes paroisses urbaines. Il y a là surement quelque chose qui se cherche : que notre communauté devienne vraiment la communauté d’un sacrement fraternel.

Dans cette communauté fraternelle, quelle est la place des plus démunis ? 
C’est ce que la démarche Diaconia a voulu montrer fermement : nos communautés doivent faire un effort pour s’ouvrir à ce niveau. Bien sûr, il faut prendre en compte ce qui se fait depuis des décennies, en particulier grâce au Secours Catholique et à d’autres organismes, à beaucoup de paroisses qui, au moment du Carême, développent l’attention aux pauvres, qu’ils soient proches ou lointains comme avec le CCFD. Nous nous posons souvent la question : que manque-t-il aux pauvres  et que pourrions-nous leur donner ? Ne pourrions-nous pas aussi nous poser la question : que manque-t-il dans nos communautés eucharistiques lorsque les plus pauvres ne sont pas là ? Le père Joseph Wresinski, fondateur d’ATD – Quart Monde, dont le procès de béatification est en cours, dit : 
« Tout au long de mon sacerdoce, j’ai espéré ramener les plus pauvres au cœur de l’Eglise en proclamant leur vie et ce qu’ils vivaient déjà du dessein de Dieu ». Est-ce que nous sommes capables d’accueillir, chez les personnes en situation de précarité, leur expérience de Dieu ?
Il y a deux ans, j’ai participé à l’Institut Catholique d’Angers à un colloque universitaire sur la Diaconie avec des personnes de haut niveau, philosophes, théologiens, sociologues. Le doyen de la Faculté de Théologie a eu l’idée de demander à des personnes qui appartiennent à un groupe 
« Place et Parole des Pauvres » de venir présenter le chemin de croix qu’elles avaient réalisé dans une paroisse. Ces groupes « Place et Parole des Pauvres », grâce au père Wresinski, ainsi qu’au groupe SAPEL de Lyon, au Secours Catholique, se sont mis en place un peu partout en France. Dieu sait si j’en ai prêché des chemins de croix, depuis le temps que je suis prêtre et évêque, Dieu sait si j’en ai entendus. Croyez moi, j’ai été touché, bouleversé par le commentaire des stations du Christ, dans sa Passion et sa Résurrection, par ces personnes. J’ai conservé ce chemin de croix et je le médite souvent parce qu’il m’a fait progresser dans la découverte de Dieu. C’est cela justement que Diaconia nous fait découvrir : les plus humiliés de notre société nous révèlent quelque chose du cœur de l’humilité de Dieu. Car Dieu est humble, son amour tout puissant ne s’impose pas, mais il se propose humblement, comme le Christ au lavement des pieds. Plus un amour est tout-puissant, plus il est humble. Dans la mesure où nos communautés deviennent plus accueillantes, plus fraternelles avec les rejetés de la société, non seulement nous reconnaissons ces personnes comme des personnes à part entière, mais nous profitons de leur expérience de Dieu pour mieux connaitre le cœur de Dieu.

Nous pouvons nous poser la question : « Qu’est-ce que l’autre me révèle de Toi, Seigneur ? Qu’est-ce que le plus pauvre me révèle de Toi ? » Je suis persuadé que personne n’est trop pauvre pour n’avoir rien à dire, ni n’avoir rien à partager de son expérience de Dieu. Oui, l’Eglise est communauté fraternelle, et elle le deviendra de plus en plus dans la mesure où nos paroisses, nos mouvements, nos aumôneries s’ouvriront à ceux et celles qui sont mis à l’écart par notre société. Beaucoup de chrétiens essaient de tendre la main à ces personnes et de recevoir leurs mains pour qu’ensemble ils fassent un bout de chemin. Mais il y a sûrement à progresser encore dans la découverte de Dieu les uns par les autres.

Je me souviens de ce témoignage : une personne avait été aidée par un organisme de solidarité. Elle disait : on m’a reconnue, on m’a écoutée, on m’a donné de quoi me loger, de quoi me nourrir, un travail. Mais il y a quelque chose que l’on ne m’a jamais demandé, c’est ma relation à Dieu. Et bien justement, nous serons une communauté fraternelle dans la mesure où aussi la relation à Dieu sera exprimée par chacun, sera partagée par tous.

Je voudrais vous donner le témoignage de personnes de ces groupes Place et Parole des Pauvres.
D’abord lors de la première conférence de presse, en janvier 2011, à la maison des évêques, pour le lancement de la démarche Diaconia Servons la fraternité :

« Nous voudrions que le commentaire de la Parole de Dieu soit accessible, non seulement à ceux qui sont dans l’église, mais également à ceux qui font la manche dehors ». Je pense souvent à cette demande en préparant mes homélies.

 Puis trois personnes qui ont parlé lors de notre rassemblement à Lourdes.

Laurence 
« La diaconie, on s’est demandé ce que cela voulait dire. Et puis on a compris : c’est le service, l’aide, c’est l’écoute, être avec les autres, c’est un service d’Eglise pour les personnes abimées à cause de la maladie, le deuil, la prison, les accidents de la vie, les injustices, le chômage, la vie. C’est une façon d’être, une attention à tous ceux qui n’ont pas trouvé leur place dans la vie et même pas dans l’Eglise. Je me rappelle que sur la porte d’une église, il y avait un tag et on pouvait lire « ouvrez la porte, Dieu est à tous ».

Elle continue : « Diaconia c’est réveiller l’Eglise à une autre dimension. C’est une manière de suivre le Christ dans sa manière à Lui d’être avec les plus pauvres ». J’insiste beaucoup là-dessus. La diaconie, ce n’est pas simplement un service social. Pour nous, chrétiens, c’est davantage. C’est faire comme le Christ. C’est recevoir sa charité pour la pratiquer, c’est suivre le Christ. Parce que lui, Jésus, a traversé le même chemin que les pauvres. « Il faut savoir aller vers les gens, enlever la honte de ne pas être instruit, de ne pas avoir peur d’entrer dans l’église. L’amour commence là ».

On sent bien que, dans le prolongement de Diaconia, il ne faut pas mettre en place de nouvelles structures et des choses extraordinaires, il faut continuer de faire ce que l’on fait déjà mais en approfondissant la dimension de la rencontre avec Dieu. Et peut-être, en mettant au point ces petites fraternités de partage de la Parole, où des accueillis et des accueillants sont à égalité pour se dire à quoi Dieu nous appelle aujourd’hui.

Je sais aussi qu’au rassemblement de Diaconia à Lourdes, beaucoup ont été frappés par le fait que, durant la première partie de la messe, évêques et prêtres, nous étions avec nos délégations pour écouter la Parole de Dieu et nous enrichir les uns les autres par ce partage fraternel.

Alain, un autre intervenant : « quelqu’un de notre groupe disait : quand on voit les plus riches, quelquefois on a la haine. Pour moi, ce qu’il faut, c’est le pardon. Mais il faut apprendre le pardon, apprendre à aller vers eux et leur pardonner. Il faut arriver à se dire, ils sont comme nous, les riches, ce sont des êtres humains ».

Marie-France : « Une manière dont le Christ se met au service des autres, c’est de leur donner la parole. Notre groupe Place et Parole des Pauvres, en nous écoutant et en nous respectant, c’est déjà un geste de Diaconia. C’est un peu le terreau de l’Esprit Saint de Diaconia... L’amour des riches vers les pauvres, c’est de demander un service plutôt que de leur donner des choses. La charité que j’attends, c’est un partage plus qu’un don. Quand je ne peux pas rendre, cela me gêne ».

C’est ainsi que nous pourrons développer une Eglise plus fraternelle, une Eglise de frères et de soeurs.

2. Cette fraternité à vivre dans la charité du Christ, elle est d’abord dans les relations entre personnes.
Beaucoup de choses se font, depuis la voisine qui fait les courses pour la personne malade ou âgée, jusqu’à l’entraide scolaire, etc. Toutes ces petites choses sans lesquelles notre société serait impossible à vivre.
Il y a quelques mois, dans mon diocèse, s’est déroulé un rassemblement de 210 enfants dont le thème était  Solid’amitié (jeu de mots avec solidarité). J’ai été émerveillé et j’ai rendu grâce avec eux, lors de l’Eucharistie finale, pour tout ce qu’ils ont su dire avec leurs mots d’enfants. Grâce à leurs animateurs de catéchèse, grâce aux chrétiens de leurs familles, ces enfants ont su déjà pressentir que vivre la foi, c’est la mettre en pratique avec les autres. Je me souviens d’un garçon qui disait : « Dans ma classe, une fille est très grosse, tout le monde se moque d’elle. Moi, depuis Noël, j’ai compris que Jésus m’appelait à la défendre pour qu’on ne se moque plus d’elle ».

Chacun de nous est attentif aux autres, fait beaucoup de petites choses. Nous pouvons, aujourd’hui, rendre grâce pour tous ces services de fraternité que nous accomplissons. Je le répète, il ne s’agit pas de faire des choses extraordinaires. Chacun agit en fonction de sa compétence, de son emploi du temps, de son tempérament. Rien n’est inutile : tout acte de charité est fécond et construit le Royaume de Dieu, puisqu’il vient de Dieu et va à Dieu.

3. Nous avons aussi à servir la fraternité dans la charité du Christ par l’action commune, grâce à des associations.
L’Eglise de France dispose de 14 organismes catholiques qui sont coordonnés par le Conseil pour la Solidarité. Je les cite dans l’ordre de leur création : Ordre de Malte, Saint Sépulcre, Œuvre d’Orient, Equipes Saint Vincent, Société Saint Vincent de Paul, CORREF, Coopération Missionnaire, Secours Catholique, CCFD, DCC, Orphelins-Apprentis d’Auteuil, AED, Pastorale des Migrants, Fidesco.

Des chrétiens agissent aussi, nombreux dans des associations non confessionnelles. Nous n’avons pas à les récupérer, mais nous avons à rendre grâce au Seigneur parce que l’Esprit Saint agit à travers elles, sans que ses membres le sachent. Mais il est important que les chrétiens présents dans ces associations non confessionnelles découvrent qu’en servant leurs frères, ils servent le Christ (Mat. 25). Ils les serviront d’autant mieux qu’ils sont de plus en plus unis au Christ, par la méditation de la Parole, les sacrements, la prière commune, la charité renforçant leur union au Christ.

Tout cet ensemble important, les relations interpersonnelles, les relations par les associations, rend notre monde plus humain, l’humanise pour que le Christ puisse le christifier, le diviniser petit à petit.

4. J’en arrive aussi pour ce service de la fraternité à l’action politique, au sens noble du terme, celle dont le pape Pie XI disait « C’est le champ de la plus vaste charité ». Le Secours Catholique parle d’action institutionnelle.
A beaucoup de niveaux, le champ politique est en difficulté, se cherche, est incertain. On a tendance à trop critiquer les élus, à tous les niveaux. Les grandes encycliques, « Dieu est Amour » , « L’Amour dans la Vérité » de Benoit XVI, dans le prolongement de l’encyclique sociale Sollicitudo Rei Socialis de Jean-Paul II, parue en 1987, et du concile Vatican II, toute cette doctrine sociale de l’Eglise nous invite, non seulement à respecter le champ politique, mais à le mettre en valeur. Il est nécessaire. Nous, catholiques, nous sommes invités à nous intéresser à la dimension politique et, si nous en avons les capacités, à nous investir dans l’action politique. Car nous ne pouvons pas nous contenter de soigner les conséquences de la pauvreté, nous devons agir sur les causes de la précarité, de la fragilité, à tous les plans : économique et industrielle, familiale et relationnelle (comment sommes-nous intéressés par ce qui est aujourd’hui la pastorale familiale, avec les conseillers conjugaux, l’éducation affective, relationnelle et sexuelle, si importante pour la structuration et l’équilibre des personnes ?), le vivre ensemble, l’inter-religieux, les droits de l’homme, les structures de péché (comme le chapitre V de Jean-Paul II, rédigé par lui-même, le développe dans l’encyclique dont j’ai parlé). Nous devons, nous, catholiques, être attentifs à tout cela. C’est difficile, j’en conviens. Parfois, nous sommes un peu écrasés par cette complexité. Mais nous devons être présents dans ce champ politique, nous devons travailler la pensée sociale de l’Eglise et nous devons éveiller, éduquer à cette action politique.

II- COMMENT POURSUIVRE LA DYNAMIQUE DE DIACONIA ?

Chaque diocèse fait ce qu’il peut à partir de ce qu’il est et de ce qu’il fait, c’est évident.

     1-  En premier lieu, suivons davantage le Christ, par la prière, la méditation de la Parole, la vie eucharistique.
Soyons de plus en plus unis à Lui grâce à son Esprit-Saint. Nous recevrons ainsi la fraternité qui est désirée par son Père depuis toujours. Pas simplement « Osons la fraternité », mais « Servons la fraternité », car elle est d’abord don de Dieu.

2.Recherchons la fraternité avec les plus fragiles, sans exclure personne. 
On parlait un temps de l’option prioritaire pour les pauvres. Mais il a semblé parfois que cette expression pouvait exclure des personnes. Le Christ nous dit « Le Royaume est là quand les pauvres sont évangélisés », c’est-à-dire ceux auxquels on ne pense pas, ceux dont l’Eglise est le plus loin. Recherchons la fraternité avec eux, soyons accueillants aux plus précaires, personne n’est trop pauvre pour n’avoir rien à partager.

Des exemples tout simples de diaconies :

Porter la communion aux personnes le dimanche, après la messe,
Accueillir avec respect dans nos célébrations et nos groupes d’Eglise quelqu’un qui ne sait pas lire. Il parait que 8% de jeunes actuellement sont illettrés en France. Témoignons-leur l’estime de Dieu à leur sujet.
Favoriser les tables ouvertes dans les paroisses, elles se développent.
Soutenir des projets dans les Pays du Sud, avec Caritas Internationalis ou le CCFD, etc, etc.

Une multitude de pratiques de fraternité, qu’elles soient un engagement provisoire ou régulier.

3.  Acceptons de recevoir des personnes en situation de précarité. Elles ont à nous apporter sur le plan spirituel. Les humiliés de notre société nous font découvrir l’humilité de Dieu.
Par exemple, lors de partages dans des groupes de la Parole de Dieu. Ils sont assez faciles à mettre en place. Le rassemblement de Lourdes en mai dernier nous en a donné la démonstration. Dans le texte qui a suivi le synode romain sur la Parole de Dieu, au n° 107, il est dit : « L’Eglise ne peut décevoir les pauvres. Les pasteurs sont appelés à les écouter, à apprendre d’eux. Puis à les guider dans leur foi, à les motiver pour qu’ils soient des artisans de leur propre histoire ».

4.   Favorisons des relations croisées entre tous les acteurs pastoraux.
Ceux qui sont dans l’annonce du Christ, dans la célébration du Christ, dans le service de la société au nom du Christ. Que les uns et les autres découvrent que leur foi se vit dans la charité. Ou en d’autres termes, que le sacrement de l’autel, pour être vraiment complet, doit aboutir au sacrement du frère. Et réciproquement, que le sacrement du frère ait sa source dans l’amour de la Trinité. Bref, des fécondations réciproques entre les acteurs des trois axes de l’unique mission de l’Eglise.

5.  Que nos communautés chrétiennes ne cessent jamais de prêter attention à tous les groupes humains dans lesquels elles sont implantées.
Notre mouvement spontané est de nous replier sur nous, de passer tout notre temps à nous animer. Il faut le faire, bien sûr. Mais notre pape François nous dit bien que nous devons aller aux périphéries. Ne soyons pas des communautés auto-référentielles, qui se réfèrent à elles-mêmes. Non, le Christ nous pousse à sortir. N’oublions jamais que nous sommes au service de tous, même si aujourd’hui beaucoup ne sont pas chrétiens, sont indifférents ou ne semblent pas s’intéresser au Christ. Développons une culture permanente de la fraternité évangélique qui est universelle.

Continuons à être pèlerins de l’inépuisable charité de la Trinité, continuons à être acteurs de la fraternité. Nous sommes sûrs que nous la réaliserons, car elle nous est donnée et nous pouvons, en la recevant, la construire avec les autres.


+ Bernard Housset
Evêque de La Rochelle et Saintes