28/12/2010

Conte de Noël

A la Cathédrale d'Autun, la nuit de Noël, quand tout le monde est parti, tous les animaux de la Cathédrale descendent de leurs piliers : il y en a soixante-seize. Ils viennent vers la crèche, lorsqu'elle est jolie. Autrement, ils se mettent devant le chapiteau de la Nativité et ils dansent et ils chantent : Il est né le divin Enfant.
L'âne de la fuite en Egypte, qui est descendu en riant de la salle capitulaire, là où, autrefois, les chanoines se faisaient des discours, l'âne de la fuite en Egypte, qui est le plus subtil des animaux, monte en chaire et fait un sermon.
Une année, il fit le discours suivant:
« Mes frères, les hommes vont bientôt venir, vous allez remonter sur vos piliers, car les hommes, qui ne comprennent rien, ne comprendraient pas de vous voir ici. Ils se croient importants,, et ils ne sont pas capables de s'entendre ! Que chacun d'entre vous, par sa tenue, soit une prédication pour ces pauvres hommes qui me font un peu pitié. Voici ce que j'essaie de leur dire lorsqu'ils me regardent : Messieurs, je suis le seul être au monde qui soit heureux de son sort et qui ne cherche pas une autre place ; je voudrais que ce soit tout le temps la Fuite en Egypte. Je vous en prie, Messieurs, de temps en temps, faites comme moi, vous serez heureux.
De temps en temps, allez sur la route d'Égypte, mettez-vous du côté de celui qui est mis à la porte ; de temps en temps faites l'âne et portez Dieu. Ainsi soit-il. »


Et tous répondirent:« Deo gratias» et tous firent un salut au chœur, et tous remontèrent, chacun sur son pilier, l'âne le dernier, avec le sourire. (Le monde d'Autun, Denis Grivot-)
Etre heureux de son sort, se mettre du côté de celui qui est mis à la porte, porter Dieu en soi et autour de soi. N’est-ce pas un beau programme de Noël ?

Paradoxes de Noël

« Cherche logement sans confort avec vue sur l’Etoile » ou les paradoxes de Noël.


 L’Invisible se rend visible. Mais comment ? Dieu se fait homme, fils de charpentier. On aurait pu s’attendre à mieux.
Le Fils de Dieu naît d’une vierge. La Parole fracassante du Sinaï se fait faible vagissement de nourrisson. L’obscurité de la nuit du monde s’éclaire d’un astre nouveau. Le silence des parents de l’enfant et des bergers est troublé par la louange de « troupes célestes d’anges ».

Dieu épouse l’humanité,
La Parole se tait,
Le silence chante,
La nuit s’éclaire.

Devenu adulte, l’enfant de Nazareth cultive encore le paradoxe. Au muet qu’Il guérit, Il commande la discrétion. Devant la couronne qu’on Lui propose, Il décline l’offre. A la face éblouissante de la Transfiguration succède le visage tuméfié du crucifié. Pourtant, Il sait imposer le silence aux puissances du mal. Il élève la voix quand Il chasse les vendeurs du Temple, lorsqu’Il apostrophe scribes et pharisiens, ou qu’Il enseigne les foules. Il se réfugie dans la solitude de la montagne et apparaît quand on ne l’attend pas.

Alertée par le deuxième rapport de Mgr Dagens et en conformité avec Rome qui s’inquiète d’une éclipse prolongée de la Foi en Occident, l’Eglise de France lance le mot d’ordre de la visibilité en contestation et même  en contradiction avec le monde contemporain. Après le rapprochement avec les hommes et les femmes de leur temps que certains estimaient être le fruit du Concile Vatican II, voici que l’heure est venue d’enlever le boisseau qui cachait la lampe pour la « mettre sur le lampadaire » (Mt 5,13-16).

Simple oscillation du balancier de l’histoire ? Heureuse imitation de l’alternance des trente ans de vie cachée et des trois ans de vie publique ? Bonne stratégie pastorale qui répond ainsi à un besoin urgent de repères dont nos contemporains ont besoin ? Question d’expérience ou de pédagogie ? En effet on n’éclaire bien qu’à bonne distance de l’objet : ni trop près ni trop loin. Il y avait, ainsi, dans certaines cuisines anciennes des sortes de plafonniers qui grâce à un subtil mécanisme de poulies et de contrepoids permettaient à l’unique lampe de la pièce de changer de position selon l’intensité de clarté désirée.

Je crains que ces analyses, entendues ici ou là, ne conduisent les chrétiens à opposer deux postures et à s’enfermer dans des affrontements stériles car elles réduisent le mystère du Dieu fait homme à nos infirmes schémas mentaux. Or, ce que nous avons dit de Noël et de Jésus nous montre bien qu’il existe simultanément dans l’Evangile, l’usage des mots et le recours au silence, la nuit acceptée et la lumière rayonnée, le cri d’effroi de la Passion et la prière murmurée. Autrement dit, Dieu ne suit aucune stratégie, ne s’enferme ni dans des mots, ni dans des écrits, ni dans des images, ni dans le visible ni dans l’invisible, ni dans une attitude ni dans une autre. Il fait exploser toutes nos étroites catégories et c’est pour cela que nous le trouvons paradoxal.
 La lumière éblouissante du Thabor éclaire, la nuit du tombeau vide fait signe, la veilleuse du tabernacle peut illuminer. L’enfouissement n’est pas nécessairement incarnation, l’étalage médiatique n’est pas obligatoirement visibilité, le signe écrit n’engendre pas forcément la lisibilité, la communication ne suffit pas à l’évangélisation. L’éclat du plein jour peut produire un trompeur effet de brillant qui capte sur lui la lumière. La Caritas, elle, rayonne de l’intérieur de jour comme de nuit, elle est notre seule véritable visibilité.

Dieu s’est fait homme… et tout l’homme et tous les hommes ne diront jamais tout de ce Dieu là et ne verront jamais qu’un pan de son ombre. Comme la femme qui toucha son manteau, il nous suffit – paradoxalement - de nous laisser couvrir par elle pour devenir visibles.
                                                    Abbé Jean Casanave- (Aquarelle de Pierre Pragnères)

18/12/2010

La crèche d’Oloron Sainte Marie






"La cathédrale Sainte-Marie d’Oloron abrite dans son Trésor une rare crèche en bois doré et polychrome du début du XVIIIe siècle, classée MH en 1908 .


C’est au XVIe siècle que sont apparues les premières crèches avec figurines en bois, cire, terre cuite… et la coutume de les installer dans les églises puis dans les maisons s’est répandue aux siècles suivants..."
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17/12/2010

Rapport de l'ACAT sur la torture

Un monde tortionnaire : rapport 2010

"En 2010, la torture est encore pratiquée dans plus d’un pays sur deux. 
Connaître la réalité de la torture, ses causes et ses conséquences, ses invariants les plus significatifs, telle est l’ambition de cet ouvrage.


Sur près de 400 pages, le tableau d’un monde tortionnaire en alliant les descriptions des pratiques dans 22 pays (répartis sur les cinq continents), en approfondissant des sujets d’actualité et en s’interrogeant sur certaines des multiples dimensions de ce phénomène comme sur les facteurs qui l’encouragent."
Pour lire ou télécharger le rapport, cliquez ICI

16/12/2010

Indifférence, patience, urgence.

« Frères en attendant la venue du Seigneur, ayez de la patience. » (Jc 5,7)
 
Le givre a saupoudré l’herbe des champs. La brume plaque au sol le ciel d’hiver. Les chênes de la forêt encore engourdie étirent leurs bras dénudés. Comme chaque matin, l’astre solaire s’installe dans l’échancrure de la colline boisée  et s’apprête à entamer sa ronde étincelante.
« Pourquoi cette constance imperturbable dans la révolution des astres ? » se demande le spectateur ébloui. « Pourquoi la vie s’offre-t-elle chaque jour à l’indifférence de nos petits tracas quotidiens ? Pourquoi ce réveil de la nature assuré chaque matin, l’offrande d’un jour nouveau, le cadeau d’une année supplémentaire ? »
Parce que, depuis le fameux déluge qui épargna Noé, la patience de Dieu résiste à tous les flots et à toutes les fureurs. « Plus jamais je ne détruirai la terre » promit-Il alors.  Il aurait pu ajouter : « L’homme s’en chargera bien tout seul ».
Et Pierre d’expliquer : « C’est pour nous qu’Il patiente : car Il n’accepte pas d’en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous aient le temps de se convertir » (2P 3,9).
Faut-il oser dire, en ce temps de l’Avent : « C’est Dieu qui attend en premier que nous nous décidions à lui accorder attention ; et c’est encore LUI qui, envers et contre tout, croit que l’homme ne le décevra pas. C’est lui qui a la Foi ! »
Un jour nouveau t’est accordé et déjà une voix mielleuse te susurre : « Profites-en, mange et bois, fais la fête, enivre-toi de puissance, rassasie-toi de plaisirs… Pense à toi ! »
Une autre voix amicale, mais ferme, te suggère : « Il en était ainsi aux jours de Noé…et les gens ne se doutèrent de rien jusqu’à l’arrivée du déluge… tel sera l’avènement du Fils de l’Homme…. Veillez donc, parce que vous ne savez pas quel jour va venir votre Maître » (Mt 24, 37)
Alors, au lieu d’attendre que demain ne la surprenne comme un voleur, offre ta vie dès ce matin à « L’astre d’en haut qui vient nous visiter en illuminant nos ténèbres (Lc1)» et en dérangeant ton indifférence. Il y a urgence !
NB Ami lecteur l’emploi de la deuxième personne du singulier n’est pas de ma part  familiarité déplacée  mais volonté délibérée  de me placer parmi les destinataires de ces messages.
                                                                                          Abbé Jean  Casanave
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12/12/2010

Noël aura-t-il lieu?

ligne noel 

En plein déclin, le Noël dont on nous avait parlé. Pensez donc ! Une étable. Dans le ciel une étoile un peu plus vive que les autres. Un couple, un nouveau-né mais des gens du voyage, des squatters d’une mangeoire à moutons ! Heureusement, au cours des siècles, tout cela a bien été rafistolé. On a transformé décor et personnages en rêves d’or pour endormir les enfants, en douce nostalgie pour adultes désabusés. Voyez aujourd’hui : des myriades de lampes multicolores et clignotantes, des flonflons retentissants, des jouets électroniques à profusion, des voyages jusqu’au bout de la terre, bref des Noëls faiseurs de miracles !
 On n’a vraiment plus besoin d’un Jésus de la crèche. Un prestigieux illusionniste fait bien mieux l’affaire.
 Tant pis pour les dépenses d’énergie, tant pis surtout pour ceux, ici et ailleurs, qui ne peuvent s’offrir ces trésors.
 De toute façon où est-il aujourd’hui ce Jésus ? Dans les terribles catastrophes ? Comptons-les seulement cette année. Dans les guerres civiles et autres ? Les tortures, les prises d’otages ? Dans les trafics de la mort ? Les licenciements ? Les injustices sociales criantes ? Que fait-il donc Jésus en tout ça ?
Heureusement les lumières artificielles de Noëls fictifs peuvent nous étourdir et nous aveugler un moment. Mais il faut les yeux du cœur en éveil pour découvrir de petits signes d’espérance. Le sourire à un enfant. Le mot gentil à la voisine « renfermée ». La « sortie » d’un deuil pour l’ouverture à d’autres, à une association de partage.  La visite à un blessé de la vie. Des riens. Et pourtant une étincelle suffit pour embraser le monde. Une étincelle d’amour que ne ferait-elle pas ? Elle procure une joie que n’apportent pas l’indifférence, le mépris. Cette joie vivote au fond de nos soucis, de nos angoisses ;  elle traduit une invincible aspiration au bonheur.

Et si elle était là l’étoile de la crèche, du pauvre berger, de ces rois venus d’on ne sait où pour offrir et partager leurs riches présents. Cet or, cette myrrhe, cet encens ne leur avaient-ils donc pas livré le bonheur à ces puissants de la terre ? Les uns et les autres ont découvert à la crèche la source de l’Espérance, de l’Amour.
Et nous ? Vivons ensemble Noël : aujourd’hui, pour l’année nouvelle qui vient et…pour toujours. C.A