Comment
rencontrer Dieu ?
S’il y a un service à
rendre aux gens, c’est bien de les éveiller à cette vérité toute simple et
ordinaire de la présence de Dieu, qui nous invite à une relation directe avec
lui, quotidiennement, discrètement, parfois brutalement, de mille et une
façons. Et d’ailleurs, s’il en était autrement, comment Jésus aurait-il imaginé
de l’appeler «Père» et de nous inviter à en faire autant? Quel serait ce père
qui n’aurait aucune relation directe avec nous, qui ne se laisserait pas
approcher, dont la bonté ne serait pas immédiatement perceptible? Tout l’art
est d’y être attentif, d’éveiller ses «sens spirituels» et d’apprendre à lire,
sentir, goûter la bonté de Dieu, directement sensible. Cette proximité à Dieu
est le fond premier de tout homme.
La présence de Dieu est
une expérience commune
Au désert, Moïse ne peut
voir Dieu que de dos: le voir en face, ce serait mourir ! Dieu est
l’Infiniment grand, sa transcendance est infinie, mais et c’est précisément la
bonne nouvelle biblique, Dieu s’est fait aussi proche, de plus en plus proche.
Jusqu’à nous rejoindre en Jésus, en se faisant l’un de nous. Les disciples qui
marchent avec Jésus ne voient pas Dieu («Dieu, nul ne l’a jamais vu»
dira saint Jean), mais Jésus, lui, est en intimité directe avec Dieu, qu’il
appelle son «Père» ; et derrière Jésus les disciples sont invités à
entrer, peu à peu, dans l’intimité de Dieu. Ce qui leur deviendra pleinement
possible après Pâques. Nous saurons alors «jusqu’où» Dieu s’est fait proche.
Cet homme Jésus, c’était «Dieu né de Dieu» qui pouvait dire en vérité: «Qui
me voit, voit le Père». Jésus nous dévoile l’infinie proximité du Dieu très
Haut, l’infinie douceur paternelle du Tout-puissant.
Dieu s'accroche au cœur
de l'homme
Ce que Jésus a révélé, ce
qu’il nous dévoile, c’est que les hommes sont faits pour une relation
directe et filiale à Dieu. C’est même probablement ce qui caractérise l’homme,
parmi tous les vivants. Un vivant est un être «humain» dès lors que Dieu, dans
le cœur de ce vivant, a planté sa tente. Dieu est là, il s’est accroché à son
cœur, et il l’attend. Il veut engager une relation avec lui. Dieu n’habite pas
un ciel lointain et inaccessible, mais plutôt le secret de notre cœur ; il
est la source qui nous féconde à l’intérieur, ou l’ami qui frappe à la porte: «Voici,
je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre
la porte, j’entrerai chez lui et prendrai mon repas avec lui et lui avec moi»
(Apocalypse 3,20).
Lorsque la Bible dit que
nous sommes «à l’image de Dieu», elle dit cette intimité du Créateur dans le
cœur de sa créature. Dieu se reconnaît en nous, il est chez lui en nous. Dans
le cœur de l'homme, il entrevoit le visage de son Fils, le Christ. La tradition
chrétienne a beaucoup développé ce thème. Cf. St Augustin : «Ô beauté
si ancienne et si nouvelle, longtemps je t’ai cherchée… Je te cherchais en
dehors de moi, alors que tu étais au-dedans de moi». Intimior intimo meo,
plus intime à moi-même que moi-même. Maurice Zundel: «Dieu est une rencontre
que chacun doit faire en soi.» Etty Illesum (juive, morte à Auschwitz): «Il
y a en moi un puits très profond et dans ce puits il y a Dieu».
Le quotidien de notre
expérience commune
Notre expérience commune,
c’est de se lever le matin, de rencontrer des gens, de faire son travail, etc.
Ou bien nous survolons notre existence, ou bien nous apprenons à donner aux
événements leur vrai poids de vie, à les accueillir dans leur densité pleine de
promesse et de sens. Or cela suppose de s’arrêter, de rentrer en soi-même, de
laisser parler le fond de son cœur, là où précisément Dieu «frappe à la porte».
Dieu qui frappe à notre cœur, c’est ce petit élan intérieur qui m’alerte devant
un pauvre que je croise et à qui je parle, c’est cette joie que j’éprouve quand
un ami inattendu m’a visité.
La vie spirituelle ne
consiste pas à sortir du monde pour rejoindre Dieu ; elle consiste, au
contraire, à vivre pleinement dans le monde. Mais j’entends : «vivre», au
sens fort. Jésus vivait pleinement sa vie d’homme, il la prenait à bras le
corps : marchant, écoutant, consolant, festoyant et pleurant aussi à
l’occasion… Or Dieu était là, immédiatement.
Et la vie devient
prière…
Les événements de la vie sont
la matière de notre prière. Saint Ignace disait aux jésuites que, s’il ne
devait rester qu’un «presque rien» de prière dans leur journée, ce devrait être
le temps qu’il faut pour remercier Dieu: Mon Dieu, merci pour ceci, pour cela,
car là je crois que tu étais présent, tu as pris soin de moi aujourd’hui. C’est
ce qui s’appelle «rendre grâce». C’est l’attitude eucharistique, celle que nous
célébrons de la plus belle façon au cours de la messe. Remercier le Seigneur,
lui demander pardon, lui offrir le jour qui vient et toutes les questions qu’on
se pose : voilà ce qui honore la présence de Dieu, présence directe et
immédiate dans nos vies. Nous devrions, peu à peu, devenir comme Jacob au
désert qui fait cette découverte passionnante: «Dieu était là, et je ne le
savais pas».
A quoi j’ajoute tout de
même qu’on ne prie pas seulement à partir des événements de sa vie, mais aussi
à partir des Écritures, dans la Parole de Dieu. Si je ne laboure pas
l’évangile, jour après jour, comment deviendrai-je un familier de ce Jésus qui,
précisément, m’apprend cet art d’être présent à Dieu au cœur de la vie? Dieu a
mille façons de souffler de la vie.
Quant aux expériences plus
«mystiques», on les reconnaît à leurs fruits, tels que les décline l’épître aux
Galates: «amour, joie, paix, patience, bonté, etc.» (Galates 5,22-23). On
reconnaît la touche de Dieu quand il y a, dirait saint Ignace: «accroissement
de foi et de charité» et communion sereine avec l’Église du Christ.
Dieu n’en finit pas de se
faire proche, il n’en finit pas – lui-même, directement – de frapper à notre
cœur. Et il n’en aura jamais fini. Jusqu’au jour, au dernier jour, quand nous
«rendrons l’esprit», comme nous disons joliment. Ce jour-là l’Esprit de Jésus
aura achevé son œuvre en nous, pour nous apprendre à confesser Dieu de mieux en
mieux comme un «Père». Alors là, vraiment, en plénitude nous serons des «Fils»
et, comme dit Paul, «Dieu sera tout en tous».
Miguel Roland-Gosselin,
sj,
Publié
le 18 février 2014 in «Croire.com» cliquez ICI pour accéder au site
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