Lettre de Monseigneur AILLET, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron
Tandis
que s'achèvera bientôt la grande neuvaine de prière pour la France, qui a
mobilisé tant de nos compatriotes durant neuf mois, suscité l'intérêt
de nombreux hommes d'Eglise de divers horizons, qui ont prêté leur plume
pour nourrir notre méditation, il y a deux drames qui nous invitent à redoubler
de ferveur en ces derniers jours.
L'abandon
des chrétiens d'Orient par les pays occidentaux en général, et la France en
particulier malgré ses engagements historiques. En Irak, les réfugiés
bénéficient sans doute de l'aide humanitaire, mais voient s'amenuiser leurs
chances de retourner dans leurs maisons dont ils ont été
violemment expulsés par l'Etat Islamique, il y a un an. Découragés,
beaucoup n'aspirent qu'à fuir sous des cieux plus cléments, espérant un avenir
meilleur pour leurs enfants. Non seulement les visa sont accordés au
compte-gouttes, j'en suis le témoin impuissant dans mon diocèse où nous aidons
la communauté chaldéenne à accueillir les réfugiés, mais aucune décision
politique d'envergure ne semble à l'ordre du jour, de telle sorte qu'ils se
sentent abandonnés.
En
Syrie, les chrétiens sont en proie aux pires violences et vivent
quotidiennement dans la terreur. Nos interventions de ces dernières années, au
nom d'intérêts mercantiles et géopolitiques à la solde des
Etats-Unis qui continuent d'imposer au monde leur vision
libérale-libertaire et de défendre leur volonté de Toute-Puissance, ont
largement contribué à ce chaos. Pendant ce temps, l'Etat Islamique poursuit sa
progression, trouve partout des complicités, renforce l'Islamisation et
porte sur notre sol ses actions terroristes. Les minorités chrétiennes en
Orient passeront-elles par pertes et profits, au nom de stratégies
occidentales illisibles et attentistes ? D'ailleurs, quel intérêt leur sort
pourrait-il susciter chez nos concitoyens, alors que s'instaure en France
une laïcité de plus en plus cynique et sans Dieu qui imprègne, à grand
renfort de campagnes médiatiques, toutes les strates de notre société, faisant
ainsi le lit du fondamentalisme
musulman ?
La
crise grecque vient révéler l'inanité d'une construction européenne qui n'a pas
d'autre horizon que la protection de la zone euro ! Le reniement
des racines chrétiennes de notre culture ne peut conduire qu'à
l'autodestruction à laquelle nous assistons : « Et quiconque entend ces paroles
que je viens de dire et ne les met pas en pratique, dit Jésus, peut
se comparer à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable. La pluie est
tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont rués sur
cette maison, et elle s'est écroulée. Et grande a été sa ruine ! » (Mt 7,
26-27). Oui, comme l'a clamé haut et fort le Cardinal Robert Sarah, deux
fois en tournée dans notre pays ces derniers mois : « La vraie crise que traverse
le monde aujourd'hui, n'est pas une crise politique ou économique, mais
une crise de Dieu ».
Le
sort programmé de Vincent Lambert. Les évêques de la Province de Lyon
viennent de publier un remarquable communiqué pointant précisément
le drame, hautement symbolique, qui est en train de se jouer à Reims :
avec l'autorisation de la bien mal nommée « Cour européenne des droits de
l'homme », qui a perdu ainsi son statut de « conscience de l'Europe », on
est prêt à arrêter l'hydratation et la nutrition de ce grand handicapé. Faut-il
rappeler une fois encore que Vincent Lambert n'est ni en fin de vie, ni
l'objet de soins disproportionnés, et qu'il n'est pas dans un état végétatif ?
La décision qui semble incomber désormais au médecin, tandis que les parents
de Vincent se battent pour lui sauver la vie, sonne comme une condamnation à
mort et comme une grave menace pour les plus vulnérables. Serait-ce un
retour déguisé à la peine de mort, mais pour un innocent, pour laquelle il
faudrait demander la grâce présidentielle ?
A
n'en pas douter, comme l'ont bien compris les médias, ce combat dépasse le cas
isolé de Vincent Lambert : il en va du respect absolu que l'on doit à
la dignité de toute personne humaine, à commencer par la plus fragile. Une
nouvelle limite irréversible sera-t-elle franchie dans le déni d'humanité
qui caractérise ce que le Pape François a appelé la « culture du déchet »
? Comme le Saint-Père l'a indiqué de manière extrêmement claire et
réaliste dans son encyclique Laudato si, dont tous semblent, mais bien
hypocritement, faire l'éloge appuyé : « il n'y a pas d'écologie sans une
anthropologie saine », il n'y a pas d'écologie intégrale sans le soin
apporté à toute personne humaine, depuis sa conception jusqu'à sa mort
naturelle !
Je
relaierai dans mon diocèse la proposition faite par Mgr Dominique Rey, le
15 août, de faire sonner les cloches et de se rassembler devant les
églises pour alerter l'opinion publique en faveur des chrétiens
d'Orient.
Sûr
en outre que, lorsque tout a été entrepris de ce qui est de notre ressort,
seule une intervention divine peut sauver une situation désespérée, je
propose même, non seulement que l'on prie pour Vincent Lambert, mais que,
s'il est encore temps, l'on double les derniers jours de la grande neuvaine
pour la France, par une neuvaine à la Vierge Marie pour sa guérison,
du 6 au 14 août, en s'aidant de la prière du Père Louis-Edouard
Cestac, qui vient tout juste d'être béatifié à Bayonne : « Auguste
Reine des Cieux et souveraine Maîtresse des Anges ».
Ce
serait en effet très significatif : en effet, le jour de la Transfiguration,
que l'on célèbre le 6 août, Jésus nous est présenté par le Père comme le
seul Sauveur, anticipant même devant ses apôtres la victoire de sa
résurrection sur sa passion et sa mort sur la croix ; nous n'oublions pas,
d'autre part, que saint Maximilien Kolbe, avait été condamné à mourir de
faim et de soif dans un bunker souterrain du Camp de concentration d'Auschwitz
et que le 14 août 1941, après avoir aidé ses compagnons d'infortune à
remettre pieusement leur vie entre les mains du Seigneur, au chant des litanies
de la Sainte Vierge, il fut lâchement assassiné au moyen d'une injection
létale : quelle lumière est ainsi portée sur le sort de Vincent Lambert et ses
conséquences ! Alors pourquoi ne pourrions-nous pas obtenir de la Vierge
Marie, dans le triomphe de son Assomption, des grâces particulières pour
Vincent et toute sa famille ?
Sursum
Corda : ne manquons pas d'audace !
+
Marc Aillet
Évêque
de Bayonne, Lescar et Oloron
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