19/03/2016

                                 La foule des Ra­meaux


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Nous en­tre­rons dans la Se­maine sainte par le por­che que cons­ti­tue la fête des Ra­meaux. Ne som­mes-nous pas, chré­tiens, plus sou­vent que nous ne le pen­sons, cette foule des Ra­meaux ? Celle qui ac­clame le Fils de Da­vid en je­tant man­teaux et bran­ches d’ar­bres sur le pas­sage de l’étrange cor­tège : Le Maî­tre mon­té sur une ânesse, et ses dis­ci­ples, dont la peur et le trou­ble in­té­rieurs ne sont guère at­té­nués par le fra­gile en­thou­siasme d’un ins­tant.

Et ils ont rai­son les dis­ci­ples… car la foule est chan­geante et ils n’en sont pas très éloi­gnés. L’his­toire est ri­che en exem­ples de re­tour­ne­ments de la foule. Elle met ra­pi­de­ment à mort ceux qu’elle a en­cen­sés. Elle vous re­dresse en un tour de main ceux qu’elle avait igno­rés. Le seul qui ne se fait guère d’il­lu­sion c’est bien – à cet ins­tant de l’Évan­gile – ce­lui qui la con­naît le mieux et qui lui a si sou­vent par­lé.

Il ne l’a pour­tant ja­mais flat­tée, il ne lui a pas fait de faus­ses pro­mes­ses. Il l’a même par­fois ru­doyée mais tou­jours au nom de cette vé­ri­té et de cette jus­tice dont il était, au nom de Dieu, le mes­sa­ger et même, beau­coup plus, l’in­car­na­tion et la pré­sence. Il a gué­ri ses ma­la­des, nour­ri ses af­fa­més, ren­du leur vi­sage et leur nom à ses ano­ny­mes.

D’ailleurs, pas d’in­quié­tude ap­pa­rente… Pour l’heure ils sont là. C’est à ce­lui qui crie le plus, qui chante plus fort que les au­tres, qui trouve le meilleur qua­li­fi­ca­tif : « En­voyé du Sei­gneur, Pro­phète, Fils de Da­vid » et j’en passe sû­re­ment… À l’ap­plau­di­mè­tre de la foule, Jé­sus est vain­queur. Il ne sera pas ar­rê­té. Pen­sez donc ! Elle réa­gi­ra, la foule, elle fera bar­rage… Vous la son­de­riez sur le champ qu’elle se­rait éba­hie, la foule, si vous en­vi­sa­giez la moin­dre me­nace pour ce­lui qui lui a ren­du es­poir et cou­rage.

Mais elle chan­ge­ra ra­pi­de­ment d’avis et ré­cla­me­ra la mort, quitte à ver­ser quel­ques lar­mes, en se frayant une place sur les bords du che­min qui con­duit au Gol­go­tha.

Nous som­mes, en­core au­jourd’hui, cette foule qui ac­clame et qui con­damne. Tous, à dif­fé­rents ni­veaux, sous dif­fé­rents vi­sa­ges. Sans ex­cep­tion… Et si, dans cette foule, avaient lieu quel­ques ac­tes de con­ver­sion ? Ils suf­fi­raient sû­re­ment pour pro­cla­mer, à la face du monde, que les pa­ro­les et les ac­tes de ce­lui que l’on a cru­ci­fié, en dé­pit des vio­len­ces ou des ral­lie­ments à ceux qui veu­lent la mort du juste, sont le si­gne que l’Amour peut tra­ver­ser le pire, pour être, parce qu’il s’agit de Dieu, source et don de la vie éter­nelle…


Mgr An­dré Du­pleix An­cien Se­cré­taire gé­né­ral ad­joint de la Con­fé­rence des Evê­ques de France

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